C’est devenu une heureuse habitude. Chaque été, Mons accueille City Sonic, le festival international des arts sonores, organisé par Philippe Franck (Transcultures) avec Jean-Paul Dessy (Musiques nouvelles).Cette année encore, une soixantaine d’artistes sonores montrent leurs œuvres sur quatre sites dans le centre de Mons. Avec un accent particulier placé sur les jeunes créateurs. Il n’y a pas de vedettes cette année, mais de nombreux nouveaux talents belges et étrangers avec uniquement des créations et trente œuvres qui résultent de résidences d’artistes à Mons.Ils nous redonnent cet art de l’écoute, proposent
“ces corps sonores qui viennent titiller, caresser les nôtres”.
“Nous devons parasiter tous ces bruits qui nous entourent, explique Philippe Franck,
pour retrouver ce plaisir de l’écoute, nous interroger sur nos sens”.Pour sa onzième édition, du 7 au 21 septembre, le festival City Sonic fait donc cette année la part belle aux émergences sonores des jeunes talents belges et européens. Il s’est ouvert vendredi soir, sur le site des anciens Abattoirs, par la “Nuit européenne de la jeune création” dans le cadre du projet européen “Park in progress” qui, à Mons, nourrit l’exposition “Sounds in progress” à la Grande Halle, une exposition intégrée au parcours de City Sonic.“Park in progress” est une initiative des “Pépinières européennes pour jeunes artistes” dont “Transcultures” est le partenaire belge. “Park in progress” propose dans différentes villes européennes des parcours nocturnes déambulatoires, en une soirée, de performances sonores et autres. “Park in progress”, qui vise à mettre ensemble des artistes de pays européens différents et de disciplines différentes, reviendra à Mons en 2014.
Né en 2003 City Sonic est né en 2003, mais l’idée avait germé un an plus tôt à Bruges, alors capitale européenne de la culture. Philippe Franck et Jean-Paul Dessy y avaient admiré une installation musicale le long d’un canal, “Wave”. Ils eurent l’idée, alors très originale, de créer un festival dans les rues de Mons, gratuit, où des artistes sonores investiraient des salles, des rues, des parcs. Un festival qui serait accompagné d’ateliers destinés aux enfants et de formations à l’écoute. “
On parle d’arts sonores, dit Philippe Franck,
quand le matériau principal, au moins 50 % de l’œuvre, est du son. Mais un son qui résonne avec d’autres disciplines”. En dix ans, il y eut entre 600 et 800 artistes invités à Mons ! De toutes formes.
On a vu des hamacs confortables pour s’y installer avec des senseurs aux chevilles, aux poignets et sur la poitrine, et un système de vibrations sonores qui venaient titiller tant notre peau que nos oreilles; un vélo musical que le visiteur enfourchait, créant des sons dans des tubes, et les modulant avec les manettes de son guidon; des formes métalliques à la manière de Chillida sur lesquelles le visiteur pouvait jouer; un vrai métier à tisser, mais devenu musical; etc. City Sonic veut dépolluer nos oreilles, explorer les sons, jeter des ponts entre les disciplines et nous balader en ville de manière insolite.
Un parcours différent, gratuit, est organisé chaque année dans la ville qui permet de découvrir les travaux d’art sonore plus ingénieux, facétieux ou intrigants les uns que les autres. On peut voir avec les oreilles et écouter avec les yeux.
Eoliens Une petite soixantaine d’artistes sont présents cette année, dans quatre lieux différents (la salle Saint-Georges où commence le parcours, la Médiathèque, les Arbalestriers et le site des anciens Abattoirs). Il est impossible de décrire tous ces travaux très imaginatifs. Donnons juste quelques exemples.
A la salle Saint-Georges, une simple corde tournoyant matérialise l’onde et le spectateur fasciné (via des capteurs) peut influencer sur la vitesse et la forme de l’onde (travail de Daniel Palacios, notre photo). A côté, “Mashtacycle” propose un grand écran avec des vidéos abstraites et des sons que le spectateur peut modifier avec son corps.
Aux Arbalestriers, Arnaud Eeckhout donne une forme très poétique aux infrasons (inaudibles à nos oreilles) des haut-parleurs. Les vibrations des membranes créent des bruits en “agitant” des objets usuels. Un artiste (:SUCH utilise d’anciens enregistreurs à bandes magnétiques et les fait tourner, faisant courir la bande dans tout l’espace, dans un grand réseau fragile et arachnéen. Vivian Barigand a choisi un dispositif simple mais efficace : il fait tourner des bras métalliques sur un réseau géométrique, constructiviste, d’élastiques tendus.
Aux Abattoirs, Cédric Sabato met en (très léger) mouvement les feuilles d’une plante par la seule force d’un son. Tandis que Mauro Vitturini restitue un kaléidoscope de bruits captés dans les rues de Mons.
Stéphanie Laforce a adapté pour “Sounds in progress”, une installation “Eoliens Sonores” qui consiste, dit-elle, en “un petit ensemble de harpes éoliennes électriques installées sur les toits de la ville. Le son produit par cet instrumentarium est envoyé par ondes Wifi sur un mode maillé, et retransmis dans les lieux de diffusion par un bendir sonorisé qui sert de caisson de basse, cet instrument traditionnel du Maghreb est ici transposé en un objet sonore”.