De la mémoire aux questionnements actuels
Claude Lorent
Mis en ligne le 24/04/2013
Même si l’expo est davantage documentaire qu’artistique, c’est une excellente initiative que de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur de collectifs montois issus de l’Aca locale au moment où la ville prépare à grands renforts de projets et d’énergie le choc culturel de 2015. Il est sans doute bien hasardeux d’affirmer qu’aujourd’hui, le collectif artistique reprend du service au point de dominer l’art, alors que l’individualisme s’assume de manière écrasante en première ligne, et même si quelques exemples peuvent servir de référence, mais il est par contre certain que, socialement parlant, une conscience collective, à de multiples niveaux, se réveille, agit et inclut parfois le facteur artistique.
Les activités de la Città dell’Arte et de Pistoletto, telles qu’il les a déployées notamment à Bordeaux durant la biennale, en sont un exemple probant et remarquable. Les développements de certaines formes d’interventions du Street Art le sont également comme le montre d’ailleurs l’expo dans son volet actuel qui a pris la clé des champs pour ne pas s’enfermer dans le white cube et conserver son caractère d’intervention directe.
Divisée en cinq stations, conçue par un collectif de jeunes commissaires pour couvrir la période 1968-2013, l’expo s’ouvre sur l’activité, sous la férule d’Edmond Dubrunfaut, menée par le groupe Cuemes 68 (jusqu’en 1977), à savoir, principalement, la réalisation d’une gigantesque fresque murale (450 m²) aujourd’hui en voie de classement, sorte de mémoire de la vie ouvrière de la région. On est ancré dans la tradition sociale et historique, dans le muralisme style mexicain, très loin des remises en question du mai 68 parisien. Parmi les peintres à l’œuvre, certains se sont manifestés individuellement par la suite.
Suit la prise de parole, par la voie théâtrale principalement, des membres du collectif pluridisciplinaire Carré d’Art (1969-1971) aux accents plus contestataires et visant à un décloisonnement ainsi qu’à une interactivité des diverses disciplines. Sans être dans l’avant-garde, ils ont tracé des pistes qui ont été exploitées jusqu’aujourd’hui.
Le troisième et dernier vrai collectif de l’époque fut aussi le plus contesté, tant par la plupart des officiels de la culture du moment que par une majorité d’artistes cherchant à se positionner aux avant-postes et se revendiquant de la modernité ambiante. Le fer de lance du groupe Maka était en réalité le professeur de peinture de l’Aca Gustave Camus, qui menait une carrière plus qu’honorable. L’excellent choix des œuvres exposées fait éclater tout le talent réel de ces peintres et du sculpteur Christian Leroy qui avaient le tort de ne pas s’inscrire dans la ligne esthétique dominante et de s’opposer au consensus généralisé. Jacques Ransy et Calisto Peretti en étaient, et on mettra en exergue la « Nature morte au revolver » de Charles Szymkovicz (1968), les peintures aux accents pop de Michel Jamsin, le cri strident d’Yvon Vandycke et les fusains de Jean-Marie Molle !
Pour la période actuelle, il faudra, d’une part, se déplacer en ville afin de repérer les interventions urbaines de Obêtre, Akim, Jeroen Jongeleen/Influenza et Mathieu Tremblin, d’autre part, plonger dans les textes réunis dans « le laboratoire d’idées » par les étudiants du collectif de l’atelier « idm » (images dans le milieu) dirigé par Jean-François Octave à Arts2. Une très saine initiative. »
Corps-commun. Collectifs d’artistes – 2 générations 1968/2013. Commissaires : Laurent Courtens, Adrien Grimeau, Obêtre. Anciens abattoirs, Mons, rue de la Trouille, 17, 7000 Mons. Jusqu’au 14 juillet. De 12h à 18h. Fermé le lundi.