EUGENE SAVITZKAYA – Atelier de Dessin
Démocrite, ignoré par Platon et par les Chrétiens, disait que l’univers entier n’était que mouvements de minuscules particules se combinant à l’infini dans le vide. Cette intuition s’est avérée plausible. Et si nous étions tous les particules d’un grand tourbillon, les atomes autonomes d’un chaos primordial, cherchant à créer sans cesse de nouvelles combinaisons, et notre pensée serait cette volonté implacable de toujours modifier, ne fût-ce que légèrement, les multiples combinaisons existantes, parce que notre survie mentale et organique ne tient qu’à ce prix, au prix d’un renouvellement permanent qui est comme la régénération tant rêvée des neurones et des autres cellules, non à l’aune des individus mais à l’échelle des générations ? Heureux celui ou celle qui dispose d’une telle matière malléable, mais aussi labile, très éphémère, pour un travail plastique, sensuel et concret, celui d’une pensée qui s’inaugure, se rature et se recommence. Nous avons chacun au moins l’expérience de notre vie de la haute enfance au moment présent. Et nous disposons de cette mémoire comme d’un instrument de mesure, le centimètre du tailleur d’habits assis sur son établi dans la position du lotus. Autour de lui s’étire la baudruche de l’infini et l’air des saisons. Ce que le tailleur exécute, avec des humeurs et des désirs qui sont les siens, des corps s’en pareront pour un temps. Pareillement les œuvres d’art s’adressent au corps de chacun. On pourrait dire qu’elles voyagent et transitent (au sens médical) à travers les corps. Combinaisons spirituelles, elles parlent à tous les organes du corps humain, de la société et de l’état. Chaque combinaison nouvelle est une œuvre, c’est-à-dire de la pensée à l’œuvre, en mouvement. Elle incite à contempler avec tous les sens, les yeux transmettant les apparitions, les théophanies, aux sens principaux qui sont l’ouïe, l’odorat, le toucher et le sens plastique qui combine tous les autres et les perfectionne. Eugène Savitzkaya. |