© Isabelle De Beir
Lorent Wanson met en scène « Les bas-fonds » de Maxime Gorki au Théâtre de la Place des Martyrs avec Maxime Anselin, Caroline Bertrand, Barbara Borguet, Toni D’Antonio, Isabelle De Beir, Gauthier de Fauconval, Jaoued Deggouj, Dolorès Delahaut, Leo Delemen, Christophe Destexhe, Laura Fautré, Bernard Gahide, Stéphane Ledune, Julie Lenain, Sylvie Perederejew, Laurent Tisseyre, Yannick Van Hemelryck, Gérard Vivane, Jérémie Zagba-Mongolima.
Un groupe d’hommes et de femmes exclus de la vie active, ou du moins de ses occurrences légales, est obligé de vivre dans une sorte d’asile privé, qu’ils paient grassement à un marchand de sommeil.
A chacun de s’arranger pour survivre à ces conditions humiliantes, comme des bêtes qui ne peuvent néanmoins renier leur état d’humains.
Entre besoins primaires et cambouis métaphysique, ils se battent dans un monde qui ne les voit pas et ne les considère donc pas, reproduisent souvent, à leur niveau, les lois injustes et cruelles des visibles. Sous le sol, dans l’ombre et la promiscuité de la mort qui les guette à tout moment.
Et pourtant, Les Bas-Fonds est une pièce d’un humanisme rare et d’une tendresse palpable.
Les corps s’y disputent et s’y étreignent pour ne pas crever de froid, les pensées et débats philosophiques s’y frottent pour maintenir la vie en fusion, et scandée par les morts des leurs, comme s’il s’agissait d’un compte à rebours lancé à l’humanité, cette communauté renverse profondément nos points de vue sur les valeurs qui conditionnent notre monde.
Dans une société de survie, l’illégalité n’a-t-elle pas légitimité à devenir règle morale?
Gorki avait une connaissance profonde du monde qu’il dépeint, en étant issu.
Le grand génie de sa pièce est de refuser la sociologie et de montrer une société qui dans l’ensemble de ses composantes est en voie de marginalisation.
Exactement comme aujourd’hui, où les acquis sociaux se détissent, où l’état providence se révèle avoir été une parenthèse considérée comme anormale.
Et où le plus grand nombre constate aux fins de mois ses fragilités sociales, quels que soient ses diplômes ou ses rêves.
Si la pièce se voulait une sorte de photographie d’état de la société russe en 1901, j’y vois quasiment une pièce d’anticipation aujourd’hui, socialement effrayante, mais qui tente sans cesse de tirer l’humain vers le dessus et de rafistoler avec les moyens du bord, ceux de la débrouille, les dignités écrasées par les bottes aveugles du dessus.
C’est pourquoi notre spectacle sera proche, intime, doux et interloquant, comme si la scène sur laquelle nous jouons cette représentation du monde s’était détériorée sans que nous y prenions garde et que nous nous soyons retrouvés dans les sous-sols insalubres sans même nous en rendre compte, trop obnubilés par le grand rêve vendu aux derniers étages des gratte-ciel de nos mégalopoles solitaires.
Lorent Wanson.
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